Translate

mercredi 25 janvier 2017

Les autres

 
Le chat qui soigne.

Janvier 2016
   Accepter le fait qu'on est malade c'est une chose déjà pas facile - mais le faire accepter aux autres, ses proches, s'en est une autre.
Et puis le cancer vous touche vous directement mais il a aussi un impact important sur la vie de votre entourage.Et le moment de l'annoncer aux autres est redoutable !

   On serait tenté de faire une annonce générale sur Facebook mais je ne suis pas certaine que le message passe très bien… Alors on prend son téléphone, une bonne dose de courage et on appelle les plus proches (en habitant à Montpellier je me suis éloignée de ma famille et de pas mal d'amis).
Pour les autres on verra plus tard.

   Quand on vous révèle votre état en pleine période des « bonne année, bonne santé », ce n'est pas évident et en même temps ça introduit parfaitement la discussion...
- Hey, bonne année, bonne santé et plein de belles choses...
- A toi aussi, et en parlant de santé il faut que je te dise quelque chose ...
Comme toute mauvaise nouvelle, ce n'est vraiment pas facile d'annoncer par téléphone à ses proches qu'on a un cancer. On finit d'ailleurs par compter sur le bouche à oreille pour propager la nouvelle, fatiguée, à force de répéter cent fois la même chose et d'essayer d'être rassurante alors qu'on ne sait pas soi-même comment l'histoire va se terminer.

   On a le droit à tout un panel de réactions en guise de réponse : l'incompréhension « mais tu n'as même pas trente ans », les larmes bien sûr, la colère, ceux qui restent sans voix, ceux dont vous sentez déjà qu'ils ne vous lâcheront pas et qui sont prêts à se battre avec vous et puis il y aussi l'indifférence ou la peur. Et toutes ces réactions sont aussi celles par lesquelles je suis passée durant ces derniers jours...
La maladie permet aussi aux autres de se révéler à vous.Certains vont vous dire et vous faire comprendre combien ils vous aiment et ils tiennent à vous la plupart, fort heureusement, j'ai su bien m'entourer ! -et d'autres au contraire vont vous faire sentir contagieux et vont prendre de la distance. Un cancéreux, ce n'est pas beau, c'est triste et ça se plaint tout le temps. Je vous rassure on ne me l'a jamais dit comme ça mais parfois pas besoin de mots pour se sentir blessée.

   Les médecins m'avaient prévenue la maladie au cours de cette année allait faire un sacré élagage dans les branchages de mon entourage ! 
Mais je vous rassure ceux qui restent sont les plus importants et si on les a bien choisis dès le départ, les amis (comme la famille) sont ce qu'ils doivent être, ceux sur qui on peut compter !
Il y aura même des gens qui vous surprendront, de qui vous n'étiez pas si proche, ou que vous ne connaissiez pas depuis très longtemps et qui seront ceux sur qui vous pourrez le plus vous reposer. Et puis il y a aussi les amis que les années avaient éloignés et que vous retrouverez dans ce moment difficile parce qu'au fond c'est ça l'amour ! 

   Après ce flot incontrôlable de sentiments, - je crois qu'avant ce mois de janvier mon téléphone n'avait jamais autant sonné - viennent les conseils. C'est très touchant au départ, comme une part d'investissement dans le combat, mais vous en recevez tellement et dans tous les sens que ça finit par être irritant et même insupportable (même si c'est fait avec beaucoup d'amour).Bon, je dois bien avouer qu'en plus de ça, moi et mon charmant caractère, nous n'avons jamais trop aimé qu'on nous dise quoi faire !Tout le monde à quelqu'un dans son entourage qui est ou qui a été touché par le cancer. C'est comme ça, c'est présent partout et c'est terrible. Moi-même au départ, je ne peux m'empêcher cette comparaison avec ma mère.
- On m'a dit que...
- J'ai lu dans un article que...
- Il faudrait que tu fasses/ne fasses pas ceci ou cela...
- Tu devrais manger ceci et surtout pas cela... (régime végétarien/régime hyper-protéiné/jeûne...)
- C'est sans doute à cause de ceci ou cela si tu es tombée malade...
- Il faut que tu te prépares à tels ou tels effets secondaires...
- Il faut que tu fasses de la naturopathie, ou de l'homéopathie, etc...
- ... 
Bref, trop d'informations, tout et son contraire, j'ai déjà du mal à avaler la nouvelle alors tous ces conseils qu'ils soient bons ou mauvais c'est l'overdose, je me noie !
Je ne lis pas et je ne lirai pas d'articles sur les causes du cancer ou comment l'éviter ou le soigner en dehors des sentiers de la médecine. Il devient presque tout mon quotidien alors dès que je peux m'en échapper, je le fais, loin de lui. Et si j'ai besoin d'un conseil, je demanderai.

   Déjà les médecins m'expliquent que mon quotidien et mes habitudes vont être chamboulés et que désormais tout sera en partie régi par les traitements alors j'ai juste besoin de garder un minimum le contrôle et de faire mes propres choix sur ce qu'il me reste de ma vie.
Chaque cancer (et chaque cancer du sein) est différent et chaque personne est également différente, on ne vivra donc pas les choses de la même manière.
Tout cela je le pense mais je n'ose pas le dire...alors j'entends mais je n'écoute plus.

   Tout va très vite. Le regard des gens sur vous change aussi vite que progresse la maladie. Même si votre corps ou votre visage n'est pas encore touché par les stigmates du cancer, on sent ce regard, on sent le malaise. Certains n'auront aucun problème à vous parler de votre cancer et d'autres au contraire par peur ou par pudeur feront comme si de rien n'était ou comme s'ils n'étaient pas au courant. C'est très déstabilisant car je ne sais pas, du coup si je peux en parler ou s'il vaut mieux que je me taise. Ça me met parfois mal à l'aise. Mais c'est peut-être normal, on ne réagit pas tous de la même manière face à la maladie. Moi j'ai choisi d'essayer d'assumer, d'en parler car, J'AI un cancer, ça fait maintenant partie de ce que JE suis...c'est pour moi une façon d'accepter ce qui m'arrive. Un exutoire.

   Je ne suis qu'au début de ce long combat, je ne sais pas encore si ceux qui sont là à l'instant le seront encore dans quelques mois. Mais pour le moment je prends ce qu'il y a à prendre, le soutien, l'amour, l'aide... Et on verra bien par la suite. Et ce qui m'ont déjà lâché je n'y pense pas j'ai mieux à faire, je dois survivre.



Stromae - Formidable
 

lundi 23 janvier 2017

Connais tes citrons !

©Worldwide Breast Cancer/ Corrine Ellsworth Beaumont

   Dépister le cancer du sein grâce aux citrons,  c'est une idée de l'association Worldwide Breast Cancer pour leur campagne de dépistage. Et j'ai trouvé l'idée plutôt pas mal !  
Les seins sont représentés par des citrons avec des anomalies qui pourraient caractériser l'existence d'une tumeur maligne. Le cancer du sein est à la fois le plus fréquent et le plus meurtrier chez la femme en France. Ces images, bien que d'apparence anodine, peuvent sauver une vie !

©Worldwide Breast Cancer/ Corrine Ellsworth Beaumont

Pour en savoir plus : www.worldwidebreastcancer.org

mercredi 18 janvier 2017

Sept mois de Chimiothérapie


La vie est tout simplement un
mauvais quart d'heure composé
d'instants exquis.
Oscar Wilde



19 Janvier 2016

   Verdict après tous ces examens : Carcinome canalaire infiltrant de grade III, tumeur vraisemblablement triple négative (Re-, Rp-, Cerb-) avec un des trois ganglions sentinelles massivement métastasé et les deux autres renfermant des amas de cellules fortement suspectes...
OK, l'ennemi est ciblé - et carrément flippant -et dit comme ça j'allais devoir me préparer à un long et difficile combat...

   Après le premier rendez-vous avec l'oncologue, une visite de l'hôpital de jour (comme pour un nouveau boulot...), une explication sur le déroulé d'une journée type dans ma nouvelle fonction de malade, et une belle quantité de prescriptions plus tard, le protocole de chimio est déterminé. 3 cures de FEC et 3 ou 4 cures de Taxotère. Et une sacrée liste d'effets secondaires.

   La première étape est d'accepter de s'empoisonner et d'être malade comme un chien pour se soigner...
Combattre le mal par le mal, se rendre malade pour aller mieux... c'est difficile à avaler.

   Je me rends à ma première cure de chimio à la clinique Clémentville en tramway, seule... Je suis un peu angoissée. Mon frère m'a proposé de m'accompagner pour la première, j'avais envie de dire oui mais je ne voulais pas le faire redescendre du Havre pour une journée. Et puis c'est mon combat, je dois aussi l'affronter en tête à tête car même si je me sens bien entourée, face à mon cancer JE suis seule. Mathieu travaille mais il me retrouvera dès qu'il aura terminé.
Tout le monde est gentil et rassurant à l'hôpital de jour. Les secrétaires me donnent des contacts d'ambulance (VSL) car elles pensent que venir seule n'est pas raisonnable et que sans doute pour les prochaines je serai trop fatiguée. 

   On m'installe dans une des salles vertes aux fauteuils roses parme, ça ressemble plus à un salon d'esthétique qu'à un hôpital. Il y a une télévision, des magazines, et une petite cuisine pour se faire du thé ou du café. C'est pas terrible niveau couleurs mais on sent la volonté de confort du patient. Et ça parait bien plus chaleureux qu'une chambre d'hôpital.
Je me sens perdue et surtout jeune au milieu de tous ces gens malades à qui on ne peut plus donner d'âge.
J'ai emmené plein de livres, j'ai des films sur mon téléphone, mon casque audio. Je n'ai aucune idée du temps que je vais passer là-bas et j'espère parer à l'ennui.

   Je crois qu'au moment où je me suis assise dans ce fauteuil j'ai enfin réalisé ce qui m'arrivait… Je ne veux pas mourir maintenant, j'ai encore plein de choses à faire, à dire... à vivre.

    Je reçois la visite d'un homme affublé d'un badge BÉNÉVOLE. Il se présente à moi et m'explique qu'il est là pour discuter et commence à me demander les raisons de ma présence ici. Je commence à lui raconter mon histoire en version brève mais je suis très mal à l'aise et les larmes me montent aux yeux. En réalité je n'ai pas du tout envie de lui parler et de lui raconter ma vie. J'ai juste envie d'être tranquille. La femme assise à ma droite a dû sentir mon malaise et vole à mon secours. Elle finit par le faire partir et pose un regard bienveillant sur moi.
Elle est atteinte d'un cancer avec métastases aux poumons et n'en n'est pas à sa première série de cures de chimio mais malgré ça elle garde le sourire, me rassure et me dit de m'accrocher.

   Mon infirmière s'appelle Marie, elle est drôle et m'explique tout ce qu'elle fait et comment ça va se passer. On met chacune un masque de papier et elle me pique dans le P.A.C. Je ne sens rien. Même pas mal.
Et c'est parti, les poches de poisons suspendues sur un pied à roulettes, ma mutation en X-men est entamée. Je me sens comme Logan quand son squelette est recouvert d'adamantium et qu'il devientVolwerine.
Il fait beau ce jour-là alors je décide d'aller prendre le soleil avec mon pied à perf, j'immortalise l'instant tellement ça me paraît surréaliste.
Normalement il est déconseillé de se balader avec tout son matos dans l'enceinte de l'hôpital mais j'arrive à négocier et je promets de rester sur le parking de derrière, et de ne pas me sauver ! 




   Je commence à me sentir patraque, retour à mon fauteuil.
Le seul truc que Marie a oublié de me dire c'est que la chimio donne très envie de faire pipi, et aller aux toilettes branchée à des tuyaux avec son pied à roulettes, ça relève de l'expédition, mais surtout elle ne m'a pas dit que le FEC colore l'urine ! - Imaginez ma surprise en me relevant de la cuvette et en découvrant l'eau des toilettes colorée en rouge... -pendant une demi seconde "Oh mon dieu... du sang", puis je lève la tête vers mes poches de poison... l'une d'elle est rouge. 
Mon premier pouvoir en tant que mutante : le pipi rouge ! Bon c'est fun mais y'a mieux...

   Ensuite, une femme vient prendre ma commande pour le repas, je suis là depuis un moment et j'espérais ne pas avoir à déjeuner là mais je passe ma commande. Il y a du choix, plusieurs entrées, menu du jour, plusieurs desserts, eau plate ou eau pétillante, sodas, sandwichs, salades... Je suis surprise.
Par contre au moment où j'essaye d'avaler mon repas, c'est la déception... Bon certes je suis un peu difficile sur la qualité de ce que je mange mais là, ça me donne la nausée, je ne peux vraiment pas toucher à mon plat. La bouffe d'hôpital ça reste de la bouffe d'hôpital. Je n'ai pas le choix que de manger un peu pour pouvoir sortir, alors je prends au moins mon dessert.
Ma collègue de fauteuil s'est emmené son repas, c'est décidé la prochaine fois je fais de même ! 

   En milieu d'après-midi je suis enfin libérée, une copine vient me chercher puis on rentre se boire un thé à la maison pour papoter. Je ne me sens pas trop mal, je vais juste faire pipi toutes les cinq minutes...
Cette nuit-là je ne vais pas dormir. Je ne trouve pas le sommeil. Je me sens bizarre, mon cerveau est en mode accéléré. 

   Puis le lendemain matin les symptômes arrivent : des nausées, des courbatures, des sensations de fièvre, des maux de têtes... puis l'impression que mon corps entier brûle. Je ne supporte même plus mes vêtements. J'ai l'impression d'être dans un cauchemar qui durera trois jours... J'agonise. 
Syndrome inflammatoire.
OK c'est donc ça la chimio, je me sens empoisonnée, je ne veux pas revivre ça toutes les trois semaines, pas de répit.

   Papa arrive le vendredi après-midi, j'ai l'impression que ma tête va exploser, trois jours sous le plaid j'ai besoin de prendre l'air mais dur de trouver la volonté de bouger...
Pas le choix trois hommes contre ma volonté... Alors on prend la voiture avec Mat, mon coloc et mon père et on part prendre l'air aux fesses de la Madame à Grabels.
J'ai besoin d'air frais, alors une source et un peu de nature à quelques kilomètres de Montpellier sont les bienvenus. J'ai du mal à marcher, je sens mon corps tellement faible et en même temps j'ai enfin l'impression de respirer et mon papa est là...



Les fesses de la Madame - Source de l'Avy- Grabels



samedi 14 janvier 2017

La Montpellier Reine !


Le dimanche 18 juin aura lieu  La Montpellier Reine, alors suivez le mouvement #FuckingBigC et venez courir à mes côtés !











  

mercredi 11 janvier 2017

La semaine infernale

 
Du 7 au 12 Janvier 2016

   Je ne suis pas très familière des hôpitaux, même si j'y ai passé du temps enfant pour aller voir ma mère, je n'ai pas le souvenir d'avoir eu besoin de me faire hospitaliser ou opérer. 
J'allais être servie... deux opérations à une semaine d'intervalle - moi la flippée de l'anesthésie -, et un bon paquet d'examens.
Heureusement mon chir. a une secrétaire en or qui s'occupe pour moi de prendre tous les rendez-vous car j'ose avouer que je suis comme tout le monde, je déteste ça, et je suis paumée ! Je suis obligée de tout vérifier trois fois, je confonds tous les examens, jours et horaires !

   Entre deux examens, mon frangin et Mathieu ont tout fait pour me changer les idées, se balader sur la plage, prendre de la hauteur à Aumelas, séance d'humour noir, - notre spécialité avec mon frangin -et mauvaises blagues sur le cancer pour essayer de dédramatiser... Et puis ça évite de trop réfléchir à la situation. 


Aumelas

   Je crois que j'ai vécu cette semaine sous anesthésie, comme si elle ne s'était pas dissipée pendant ces 6 jours et qu'un nuage de coton m'entourait. Je me laissais porter d'examens en examens.
J'ai tout testé : scintigraphie osseuse, médecine nucléaire, scanner, IRM... L'angoisse... On t'injecte des produits radioactifs qui te donnent un goût de métal dans la bouche puis on t'enferme dans des machines plus impressionnantes et bruyantes les unes que les autres. Je ne supporte pas d'être enfermée, je crois que c'est le pire parc d'attractions que je n'ai jamais fait !
Je pense que celui qui remporte le grand prix de la machine de l'angoisse c'est l'IRM, mais ce jour-là mon frangin est là pour m'accompagner ! Il m'explique comment ça va se passer et qu'il faut que je reste relax.
Salle d'attente face à quatre portes numérotées, et un panneau sur chacune « attention, champ magnétique intense ». Le genre d'endroit où, en toute logique, on éviterait de s'aventurer !




  Entrée dans la cabine pour se changer, il faut retirer tous les bijoux, piercing etc. car l'IRM est un gros aimant. Je retrouve la même magnifique blouse qu'à l'hôpital mais cette fois elle s'enfile à l'envers, ouverture devant, très seyant ! Nouveau cathéter pour l'injection du produit de contraste, qu'on ne sait plus où piquer à force de jolis bleus sur mes mains et l'intérieur de mes coudes. On me fait entrer dans l'arène et je me retrouve face à un minotaure, énorme machine ! Je dois m'allonger sur le ventre, en prenant bien soin de rentrer chacun de mes seins dans une boite, et la tête dans une autre (on oublie d'être glamour...). Puis le manip. radio me pose un casque sur les oreilles (avec une musique du future, horrible !) pour atténuer les grognements du monstre et me tend un objet au bout d'un fil en m'expliquant : 
« Je vous mets cette poire dans la main, si jamais ça ne va pas, que vous vous sentez mal, vous la presser et on arrête tout ! Mais sachez que si on arrête au beau milieu de l'examen, il faudra de toute façon, tout recommencer ! »
OK, super rassurant, moi qui suis une angoissée je me demande ce qui m'attend, mais quoiqu'il arrive...je ne presserai pas la poire ! 
L'examen est un peu long, le bruit est assourdissant, mais j'arrive à m'évader un instant (en faisant abstraction du son dans le casque). Pfiou, l'examen est enfin terminé, je me rhabille, rejoins mon frangin, petit détour par le labo pour aller faire une nouvelle prise de sang et un petit déj chez Starbucks pour décompresser. 

   Six jours d'examens qui défilent à tout allure, et me revoilà sur la table d'opération...
La veille je suis allée me faire injecter un produit de contraste bleu directement dans le sein pour repérer les ganglions à prélever. Je crois que c'est la première fois que j'ai eu les larmes aux yeux de douleurs. 
Nouvelle chambre d'hôpital, nouvelle douche à la Bétadine, nouvelle tenue de papier, nouveau bracelet, nouveau brancardier mais toujours la même angoisse. J'appréhende l'anesthésie, je ne suis pas fan de cette sensation de perte de contrôle. J'en ai déjà marre que l'on m'injecte des produits dans les veines. 
Le chirurgien passe me voir, il me rassure comme la dernière fois et me réexplique l'opération : il va me poser le port à cath sous la peau pour injecter la chimio directement dans mon petit cœur, il fera l'incision sur mon hirondelle tatouée pour ne pas qu'elle se voit, puis il m'ouvrira sous le bras afin de prélever les ganglions sentinelles pour savoir si la chaîne ganglionnaire est atteinte par le cancer ou non.
On parle un peu de Mathieu et moi, et il me dit une dernière chose avant d'aller se préparer :
Dans ce type de situation, j'ai vu des séparations et aussi des demandes en mariage ! Mais ne vous en faites pas, il sera là pour vous, il restera, j'ai l'habitude de cerner les gens dans mon métier et je vois tout de suite ceux qui partiront et ceux qui resteront !
Je m'évapore dans le goutte à goutte des produits anesthésiants avec cette pensée comme si c'était une prophétie. Il sera là, je n'ai pas à m'en faire.

   Je me réveille sans trop de douleurs mais complètement à l'ouest... Il ne me reste que quelques souvenirs flous de la salle de réveil, une mamie qui délire et que l'infirmière n'arrive pas à sonder et un homme qui ne sait pas ce qu'il fait là mais qui a décidé de se lever pour faire pipi... ici ! J'entends tout mais je ne vois rien. Je suis ici mais ailleurs à la fois. J'admire le personnel médical, ça ne doit pas être facile tous les jours.
Petite virée dans les dédales de l'hôpital pour aller passer une radiographie voir si le P.A.C est bien placé avant de retourner dans ma chambre. J'ai froid.

   Mathieu vient me chercher en fin de journée, je m'éveille petit à petit. On attend dans la chambre l'heure de sortie autorisée. On est triste tous les deux mais on rit aussi car le produit injecté la veille colore mes urines en bleu ! Ça vaut la photo ! 

   Voilà, je rentre chez moi charcutée et j'ai un peu l'impression d'être la créature de Frankenstein avec cet appareil sous la peau et le sein arc en ciel d’hématomes. 
Je me sens oppressée, j'ai l'impression de sentir le P.A.C bouger en moi, j'ai du mal à respirer. Je n'arrive pas à dormir, je ne trouve pas de position confortable. Il faudra quelques semaines avant que ça cicatrise et que je m'habitue à ce corps étranger au mien.

   Quelques jours après, résultat du prélèvement, quelques ganglions métastasés proches du sein, ils n'ont pas eu le temps de s'échapper trop loin, on les a arrêtés avant, OUF !
Prochaine étape : rencontrer l'oncologue pour déterminer le protocole de la chimio, puis voir un cardiologue pour surveiller mon petit cœur. 
Toute une batterie de docteurs pour s'occuper de mon cas....













jeudi 5 janvier 2017

Quand tu gagnes le gros lot

De nos jours, on peut survivre à
tout, sauf à la mort.
Oscar Wilde



Bonne année 2016 !


Die Antwoord - Donker Mag

 

Le 6 Janvier 2016

   Je rentre à la clinique pour me faire opérer. Je suis bien flippée car c'est la toute première opération/hospitalisation de toute ma vie. 
Mais tout va bien se passer. On va enfin me débarrasser de cet intrus dans mon corps, en deux deux ! Je reçois plein de textos super chouettes de mes amis et mon amoureux viendra me chercher à mon réveil.

   J'ai a priori un fibro-adénome dans le sein droit. En septembre dernier mon amoureux sent cette grosseur dans ma poitrine et me conseille de consulter. Je ne m'inquiète pas tant que ça, au début, puis ses mots résonnent dans ma tête : je devrais on ne sait jamais, les seins il faut en prendre soin ! Après avoir enfin trouvé une nouvelle gynéco sur Montpellier 
- cela m'a bien pris un mois - j'ai un rendez-vous en urgence. Palpation, frotti-frotta, la totale... Elle me dit qu'effectivement il y a une masse - pas rassurant -et qu'il faut faire une écho en urgence - pas rassurant du tout -. Du coup je repars de là avec mon flippo-mètre dans le rouge ! Arrivée chez moi j'appelle tous les labos de la ville pour essayer de me dégoter un rendez-vous pour le lendemain « ma gynéco m'a dit en urgence, vous comprenez ». Une écho des seins plus tard, on me confirme la masse et on me parle de fibro-adénome, alors ma gynéco m'envoie vers un chirurgien gynécologue obstétricien spécialiste du sein – comme ça, ça peut faire peur, mais même si mon flippo-mètre est encore élevé, c'est justement la spécialité qu'a choisi mon petit frère, interne en médecine –alors j'y vais en me disant que je vais enfin savoir ce qu'il m'arrive.

   En effet, c'est un peu la délivrance, il est gentil et rassurant, je ne dois pas m'inquiéter ce n'est rien de grave, juste une grosseur qu'ont beaucoup de femmes dans la poitrine ; certes, il fait bien deux centimètres mais rien ne sert d'opérer s'il ne me gêne pas, on va opter pour une surveillance. Je suis trop jeune pour avoir un cancer du sein et vu où est située la grosseur, il y a une chance sur un million pour que ce soit un cancer ! Ouf ! Je suis rassurée et je rentre chez moi annoncer la bonne nouvelle à mon amour, ma famille et mes amis.

   Quelques semaines plus tard ça se complique, j'ai l'impression que la masse a grossi, et surtout c'est douloureux ! Mon niveau de flippo-mètre remonte direct dans le rouge et j'appelle le super-chirurgien. Il me redonne un rendez-vous et finalement nous décidons une opération pour me soulager mais il reste très rassurant... Il peut m'opérer rapidement mais nous sommes en novembre et la saison de Noël est déjà bien entamée, je vais bosser comme une dingue pendant deux mois au milieu des pères Noël, des sapins, des paillettes, et des pingouins... pas une minute pour souffler, et on est plus que trois à l'agence, je n'ai pas le droit de m'arrêter. Je décide donc de repousser l'opération en janvier après les festivités de fin d'année et surtout un peu plus en forme pour supporter une anesthésie. Après un séjour chez papa pour les fêtes je serai requinquée et aussi dodue qu'une dinde de Noël !


   
   
  Retour à l'hosto le 6 janvier, j'ai bien pris ma douche à la Bétadine rouge la veille, oui même les cheveux, j'arrive dans ma magnifique chambre qui sent l'hôpital – cette odeur me file la nausée depuis mon enfance où j'allais visiter ma mère malade - avecvue sur les toits, j'entends des enfants jouer dans la cour d'une école. Je prends ma chambre en photo tellement c'est surréaliste, elle est peinte en vert, les lits n'ont pas changé depuis les années 90, les draps sont jaunes "pipi", les fenêtres ne s'ouvrent pas – on ne sait jamais on pourrait changer d'avis et tenter de se barrer par là -... Je suis dans une clinique, je paye des dépassements d'honoraires, je suis décoratrice, j'hallucine... pourquoi ne pas utiliser un peu de tous ces sous qu'on vous donne pour rendre ces endroits un peu plus attrayants... L'anesthésie donne déjà la nausée !

   Passons au costume, que je dois enfiler après une nouvelle douche à la Bétadine rouge, on n'est jamais trop prudent ! Et il faut essayer de ne pas en mettre partout dans cette salle de bain PollyPocket, où les wc sont collés à la douche, qui n'a bien sûr pas de rideau, et pas de tapis de bain non plus histoire de slider un petit coup en sortant de là. De toute façon pas de panique, si tu te casses la binette, tu es déjà à l'hosto. L’infirmière me donne donc ma tenue de scène avec un bracelet vert en plastique comme pour les festivals, ou les naissances, ou encore les identifications à la morgue... donc j'ouvre le sachet plastique et là je trouve : un magnifique slip en tissu bleu marine, je ne distingue pas le devant du derrière... une sublime blouse collection hiver bleu marine fendue à l'arrière pour laisser apparaître la courbe du dos, que l'on peut ceinturer de bleu plus clair, de splendides sur-chaussures et une charlotte pour englober sa tignasse ! Look au top, j'immortalise l'instant. 

   Quelques instants plus tard, le brancardier vient me chercher et c'est parti pour un tour de brancard à mater le plafond de ce dédale de couloirs jusqu'au bloc, il me parle de mes tattoos pour m'occuper, me rassurer puis il me gare le long d'un mur et me borde avec une magnifique couverture verte !Une des rencontres sympathiques les plus brèves de ma vie ! Je pense à ses journées emplies de rencontres éphémères comme celle-ci sauf pour quelques récidivistes... mais qu'il ne distinguera pas les uns des autres car une fois costumé on se ressemble tous comme ces chirurgiens dans leurs tenues vertes ! 

   J'entends le personnel du bloc papoter, c'est galette des rois ce matin en chir. ambulatoire et moi j'attends à jeun depuis la veille, je flippe et j'ai la dalle ! Le chirurgien vient me dire bonjour, me parler, me rassurer, ça me fait du bien car je n’arrête pas de m'imaginer dans un épisode d'Urgences ou de Grey's Anatomy... Il y a toujours de l'action et moi rien que de penser à l'anesthésie fait grimper mon rythme cardiaque. Après cette visite, je me calme, je ravale mon angoisse et je me laisse guider jusqu'au bloc. C'est parti, je suis dans la fourmilière : chacun sa tâche, m'installer, me poser les patch, me poser le cathéter, me poser des tonnes de questions sans en attendre les réponses pour focaliser mon attention – 
ça a le don de m'agacer -puis ils m'injectent le produit, ça brûle un max pendant cinq secondes puis je sombre... J'ouvre les yeux quelques heures plus tard au son des bips dans ce qu'on appelle la salle de réveil. J'ai l'air en vie, bien assommée par l’anesthésie mais pas trop de douleurs... et une terrible envie de dormir ! On me remonte dans ma chambre mon amoureux est déjà là, c'est un plaisir de le voir dans l'encadrement de la porte. On parle quelques instants mais je n'en n'ai plus aucun souvenir... Il repart pour me laisser dormir, il reviendra me chercher ce soir.

Rik Lee Illustrations

 
  Je me réveille doucement, on me pose des questions mais je ne me souviens plus, on m'apporte un plateau repas, je mange un peu, je somnole, impossible de lire alors je me laisse guider dans un flot de pensées... Je suis enfin débarrassée de cet intrus dans mon sein !
Le chirurgien passe me voir, il s'assoit sur le bord du lit, me demande comment je me sens, et me fait le bilan de l'opération. Je vous le raconte comme j'imagine m'en souvenir car c'est très flou : « Mademoiselle, l'opération ne s'est pas déroulée comme prévu, quand je vous ai ouverte, j'ai découvert que "ça" avait énormément grossi depuis la dernière fois, et du coup, ce serait je pense, plutôt un cancer du sein... Je n'y croyais pas moi-même en découvrant la masse... J'ai fait une biopsie pour procéder à une anapath, et j'ai posé un clip à l'intérieur pour évaluer la progression de la tumeur. Les résultats peuvent revenir négatif mais j'ai peu de chance de me tromper, il y a de grandes probabilités que ce soit un cancer, vous allez devoir passer par un traitement long, au moins un an, chimiothérapie, puis chirurgie, puis radiothérapie, vous allez perdre vos cheveux, il va falloir les couper, blablabla... »

   Je décroche, je l'écoute parler sans une expression sur mon visage, je hoche la tête, les mots résonnent dans ma tête, je vais me taper le même cauchemar que ma mère 20 ans plus tôt, qui a eu un lymphome hodgkinien, comment je vais annoncer ça à mon père, mon frère, ma grand-mère... et Mathieu qui vient me chercher tout à l'heure...tous ces gens qui sont déjà passés par là... 

   Je me retrouve seule, je quitte mon déguisement, je tresse mes cheveux comme si c'était la dernière fois, je m'assois sur le rebord de la fenêtre, je ne supporte déjà plus ce lit d'hôpital en me disant qu'il va devenir mon quotidien... J'appelle mon frère en premier : « J'ai un cancer », je pense qu'il est abasourdi à l'autre bout du fil mais en bon frangin/docteur il me pose plein de questions et me rassure du mieux qu'il peut, en essayant d'étouffer les quelques sanglots que je peux distinguer, cachés entre les mots... Il prendra l'avion pour venir me voir ce weekend... La preuve d'amour fraternelle et le soutien dont j'avais besoin. Puis passe une kiné, puis une psy, puis la chef infirmière de l'hôpital à chimio… On m'explique tout plein de choses, comme le fait qu'on va me réopérer dans une semaine pour me prélever des ganglions sentinelles, savoir si ma chaine ganglionnaire est atteinte puis, qu'on va me poser un P.A.C (port à cathéter) sur la poitrine sous la peau, un cathéter pour envoyer la chimio direct en plein cœur 
- ouche ! - .

   Papa m'appelle, il est en voiture, je lui dis de me rappeler une fois à la maison. Mathieu arrive, il me demande si ça va... - non ça ne va pas et je dois t'annoncer quelque chose de terrible en te regardant droit dans les yeux et en espérant que tu ne t'enfuies pas en courant... -
- J'ai un cancer...
- Quoi ?! Mais... 
Il ne comprend pas, les larmes lui montent aux yeux et avant que je puisse en dire plus le chir. arrive à la rescousse, reprend sa symphonie de A à Z pour tout nous expliquer et me donne une batterie d'examens à faire avant la prochaine opération... C'est surréaliste, je suis dans un cauchemar, je ne suis pas réveillée de mon anesthésie... Il s'en va, j'appelle mon père, j'ai des sanglots dans la gorge mais ne craque pas « j'ai un cancer », et je me veux aussi rassurante que le chirurgien quelques minutes auparavant. J'ai l'impression d'enfoncer une épée en plein cœur de mon père... après avoir perdu sa femme, la maladie veut lui prendre sa fille...

   Ils me retirent le cathéter, on signe ma sortie, on prend mes affaires et on marche jusqu'à la voiture dans le silence... Il est tard, il fait nuit. Comme pour panser la blessure, mon amoureux me donne une friandise et m'emmène voir la mer. 
On marche jusqu'au port de Palavas, on tombe devant la statue de l'espoir, c'est un signe peut-être ou un pied de nez... Il me dit des mots doux, qu'il sera là pour moi, j'émets des doutes... Il me rassure.
On rentre chez moi, j'appelle ma meilleure amie car elle est ma famille, j'ai besoin de lui dire, maintenant, comme c'est à elle que j'ai crié ma douleur le soir où on a retrouvé ma mère inanimée dans la maison... Elle est là, elle a toujours été là et je sais qu'elle sera toujours là dans les bons comme dans les pires moments et ça on n'a jamais eu à se le promettre. C'est comme ça, c'est inscrit, c'est l'amour. Je partage sur les réseaux le remix d'un sample de Star Wars par Notorious Big, Life After Death Star - Ten Crack Commandments,en guise de légende, je serai un Jedi... c'est parfaitement de circonstance. 

   On mangera, on s'embrassera et on s'endormira dans les bras l'un de l'autre, dans la douleur, plein de pensées toutes noires... J'ai un cancer... Elle a un cancer...