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mardi 28 février 2017

Manuela Wyler - Fuck my Cancer - Je ne peux plus.

    Aujourd'hui, et en attendant mon prochain billet, parce que j'ai été très émue par la disparition de Manuela Wyler, la semaine dernière, j'aimerai partager avec vous un de ses textes, extrait de son blog Fuck my Cancer .

 Depuis 2013 je vis avec un cancer du sein. Je n’ai plus de seins mais toujours un cancer et je dis Fuck my cancer parce que vivre avec un cancer n’est pas rose.
Je suis petite je mesure 1,57m quand je me tiens droite et quand je me mets sur la pointe des pieds bras tendu après rééducation de la chirurgie des ganglions et de la mastectomie j’arrive encore à prendre un verre sur la troisième étagère du placard de la cuisine. J’ai élaboré plein de techniques pour palier à mes handicaps divers, la cuillère en bois à manche long pour faire glisser le paquet de sucre glace de l’étagère et l’attraper de la main libre par exemple. J’utilise une chaise en bois bien solide dans ma cuisine comme escabeau. Mais l’assise de la chaise me semblait un peu haute à atteindre ces derniers jours. Mes jambes n’arrivaient pas à me hisser ou plutôt je manquais de force et d’équilibre et devait m’y prendre à deux ou trois fois, je ne disais rien. Dans le garage j’ai deux escabeaux de tailles différentes dont les marches correspondent plus à ce que mes jambes sont encore capables de gravir. Aujourd’hui marque le jour où la tentative de la chaise s’est soldée par un échec. Cuisant. Encore une chose que je ne peux plus faire. J’ai pourtant essayé trois fois de grimper sur cette maudite chaise, rien, pas de force ni dans les jambes ni dans les bras accrochés à la porte du four. J’étais seule dans la maison, seule dans la cuisine et le bouton d’alarme est sagement rangé dans ma table de nuit. Je sais c’est stupide. J’ai évité la chute en abandonnant la tentative. J’ai attendu que le vertige passe , oui en plus j’ai des vertiges. Lorsque tout fut calme je suis allée dans le garage chercher un escabeau. J’ai grimpé les trois marches pris le paquet de lasagnes et après avoir sorti les plaques qu’il me fallait j’ai rangé le paquet sur la troisième étagère et l’escabeau dans le garage.
Il était 11 h ce matin lorsque j’ai compris que je pouvais rajouter à ma liste des #jenepeuxplus « grimper sur une chaise ». Il y avait eu l’épisode de l’échelle au lac du Bourget où j’ai eu un mal de chien à grimper sur le ponton, je n’avais pas trop commenté mais ça m’avait mise en pétard. Mouillé le pétard.
Certains me diront :
• Ça n’est pas grave mets les lasagnes sur la deuxième étagère,
• Sers-toi de l’escabeau
• Sors de l’eau par la plage de galets
Ou bien encore on me suggèrera de faire de la gymnastique pour me muscler et m’assouplir. Cela ne changera rien au fait que je ne peux plus faire un truc aussi banal que de grimper sur une chaise et que bien sûr comparé à des handicaps sévères je peux aller me rhabiller avec mes petits troubles dus à la méningite. Sauf que sur le moment tu n’y penses pas aux handicapés, tu penses à ta pomme et tu es un peu en colère, encore en colère. La colère du cancer tu connais ? C’est celle qui fait sauter les plombs une fois de temps en temps, pas toujours au bon moment, pas toujours face à la bonne personne. Mais ça libère de toutes les frustrations que tu endures depuis le début de ta maladie. La colère ne te rapportera rien, elle ne te rendra pas les #jenepeuxplus tu le sais mais néanmoins tu la gardes ta colère, elle te permet de tenir certains jours.
J’en ai une grande variété dans ma collection.
La dernière que j’ai rangée a été causée par le mari d’une amie cancéreuse, un type dénué de la moindre once d’empathie, il vit dans un pays froid ça lui va comme à un gant. Pour lui j’aurais pu retrouver un peu de force et lui asséner un coup de genou, à l’époque j’arrivais encore à lever la jambe. Mon amie a comme compagnon un homme qui n’est pas parti à l’annonce de la maladie, non sa lâcheté a été de faire comme si de rien n’était. RIEN, il n’a rien fait, ni coup de main dans la maison, ni les courses, ni les repas, ni le linge ni même s’enquérir de ses besoins. RIEN. Pas présent après la chirurgie, absent pendant les chimios, absent pour la radio. RIEN Ça m’a bien mis en colère, je ne le connais pas, ils vivent loin, très loin d’ici.
Elle s’en est sortie toute seule, elle a fait la brave, la forte celle qui fait face.
Pourquoi je vous parle de ça ? #Jenepeuxplus m’en souvenir. Pas grave, ça reviendra peut-être plus tard. 


Manuela Wyler - Je ne peux plus - Fuck my Cancer

jeudi 23 février 2017

Chimio 3, mes globules blancs ont foutu le camp !

 
Mon Calendrier de l'Avent...


Mardi 1er Mars

   Chaque jour passé, je le marque d'une croix. Sur mon frigo trône un calendrier sur lequel je note tous mes rendez-vous avec le chirurgien et l'oncologue, les prises de sang, les piqures d'hormones, mes chimios, les weekend où mon père vient me rendre visite, les séances de sport à la clinique, les séances de sophro, les rendez-vous avec le cardiologue... A ce stade, je ne peux plus compter sur ma mémoire, trop d'informations à traiter. C'est comme quand on attend un événement, Noël, un anniversaire, un weekend entre amis, une naissance, etc. Mais il n'y a rien de tout ça sur mon calendrier. Tout ce qui y est noté est en rapport avec mon cancer. Alors quand je regarde ce foutu calendrier sur mon frigo je me dis « P*****, maintenant c'est ça ma vie ! ». Sur chaque page de mon calendrier j'ai une visibilité sur deux mois. Ça résume parfaitement la situation finalement. Quelle visibilité j'ai sur le reste de ma vie, aujourd'hui ? Est-ce que je peux prévoir un weekend où une soirée au-delà de deux mois ? Est-ce que je serai encore là ?
Je ne sais pas quand je tracerai la dernière, ni ce qu'il adviendra ce jour-là, mais chaque jour passé je le marque d'une croix.

   Chimio ou pas chimio ? Question du jour à l'hôpital de jour, après multi-prises de sang, mes globules blancs ont foutu le camp !
J'ai vu l'oncologue il y a quelques jours, ma prise de sang n'est pas au top, - le moral non plus mais apparemment c'est lié ... -, je suis épuisée.
Peu à peu je me transforme en zombie. 
J'ai dû refaire une prise de sang hier qui visiblement n'est toujours pas bonne... C'est la neutropénie, - pénurie de leucocytes- ! Je suis à 650/mm3 et, en dessous de 500/mm3, c'est la chambre stérile... Mon corps dit stop, il ne peut plus se défendre contre les attaques.
Du coup ce matin, arrivée tôt à l'hôpital, je patiente, mon oncologue attitré n'est pas là, mon cas est entre les mains d'un de ses collègues.
L'infirmière vient me faire une troisième prise de sang qui déterminera si on peut me faire ou non cette cure de chimio aujourd'hui, car c'est elle la responsable, elle qui me flingue toutes mes défenses immunitaires...
J'imagine l'intérieur de mon corps comme dans un épisode d'Il était une fois la vie,véritable champ de bataille dans mes veines, la chimio a décimé mon armée de globules blancs, quelques résistants se cachent dans les tranchées, casques et armes au point. On aurait bien besoin de forces alliées !
Si jamais ce n'est pas pour aujourd'hui, ça ne sera que partie remise, je n'échapperai pas à cette troisième injection il faudra seulement patienter quelques jours que mes petits soldats se remettent sur pied !

Ma transformation en zombie

   Environ une heure plus tard, bonne nouvelle, les globules sont de retour, du moins juste assez nombreux pour qu'on m'injecte mon poison, je n'y couperai pas, - je suis bonne pour passer toute ma journée à l'hosto ! -
Du coup, pour éviter que mes leucocytes restent trop peu nombreux à se battre, on me prescrit des piqures de Neulasta, à faire dès le lendemain, et pour la prochaine cure. C'est comme de l'EPO, - donc on va me doper comme un cheval de courses ou un coureur cycliste du tour de France ! -Sauf que, pas de course à gagner pour moi, mon seul défi c'est de tenir encore debout pour la suite du traitement !
Ce jour-là c'est la totale, sortie tard de l'hosto, heure de pointe oblige, le seul VSL qui peut me prendre en charge est une ambulance.- Heu, les gars je n'en suis pas encore à ce stade-là, je tiens encore sur mes deux jambes ! -Je négocie pour éviter le brancard, - j'ai déjà suffisamment la nausée comme ça -et je prends place sur le siège arrière réservé au brancardier. Je rentre donc chez moi escortée dans ma limousine blanche et bleue en essayant d'indiquer aux ambulanciers le chemin le plus court pour me ramener à domicile ! Situation loufoque qui nous a valu un bon fou rire !

   Pour ce qui en est de la prochaine chimio je ne suis toujours pas fixée, mais toujours angoissée, on verra déjà comment je supporte celle-ci avant de prendre une décision. 
Comme d'habitude, je ne suis pas au top les jours qui suivent mais c'est déjà un petit peu mieux. Sur les conseils des infirmières et de mon frangin, je me suis munie de nouvelles armes pour contrer les effets secondaires. Du gingembre frais rappé dans toute l'eau que j'avale pour calmer les nausées. Du Tramadol pour estomper les maux de tête et les mots de travers. Je me sens comme dans du coton mais j'arrive à tenir debout et je fais l'effort de sortir. Mon père est là et Mathieu aussi, ils me baladent, musée d'archéologie de Lattes, promenade dans le village des Matelles, découverte d'une source dont l'eau est d'un bleu laiteux magnifique... Un peu de nature, d'air frais et d'amour, ça fait toujours du bien. Mais je prends vraiment sur moi pour faire un pas après l'autre. Je suis obligée de m'arrêter pour reprendre mon souffle, de m'asseoir régulièrement car par épisodes mes jambes ne me portent plus et la moindre odeur forte déclenche des nausées, - je suis à deux doigts de vider le contenu de mon estomac dans les ruelles pavées à l'heure du déjeuner -. J'ai aussi très mal au ventre. Je souffre depuis plusieurs années du syndrome du colon irritable - Intestins en colère - et le Fec ainsi que toute la médication à avaler post-chimio n'aident pas mon affaire. Probiotiques, cure de pruneaux entiers et en jus, j'essaye de calmer le courroux de mes entrailles. 

Les petits coins de Paradis de Mathieu

     Le vendredi suivant c'est roulement de tambour pour un grand moment de vérité, je vais avoir les résultats du test génétique. 
Ça fait des nuits que je ne dors pas - donc j'écris -. Si le test est positif et que je suis porteuse du gène, mon crabe risque de ne pas me lâcher les miches et de revenir encore et encore... Et si je suis encore là, que je peux avoir des enfants, combien de risques que je leur transmette cette merde ? Comment on vit avec ça sur la conscience ? 
Je me rends à mon rendez-vous à l'ICM avec les renforts : Mathieu et mon père m'accompagnent. Cette fois, on arrive du bon côté de l'hôpital ! On repasse par l'accueil, le secrétariat, la salle d'attente, le dédale de couloirs et enfin la salle de consultation. Je ne me sens pas bien. J'ai chaud. Mon cœur bat la chamade.
Le Dr D'hondt arrive, mes résultats sous le bras : ils sont négatifs ! Mon cancer n'est pas génétique, - Angie et moi, nous ne sommes pas cousines ! -.

   Un peu de baume au cœur dans cette triste histoire... Moins de risques de récidive, ma famille n'aura pas à faire les tests et – à condition que ça fonctionne encore -je pourrais avoir des enfants, sans culpabilité, - enfin, si je survis à tout ça !-. Trois semaines d'attente m'ont semblées une éternité alors je n'ose imaginer ce que ressentent toutes ces femmes qui passent par les voies lentes et habituelles de la médecine et qui attendent jusqu'à un an pour avoir ces résultats.

   Cette même journée j'ai rendez-vous avec l'onco-généticien. Celui qui interprète les résultats. Il ne ressemble pas à un docteur mais plutôt à un détective d'un film d'Hitchcock, veste en tweed, il ne lui manque plus que la pipe. Je lui transmets les résultats. Il les regarde et m'annonce à son tour que c'est bien. Il me dit qu'il n'y a pas vraiment d'explications à mon cancer, que l'environnement, les pesticides, la pollution, le tabac, la pilule ou encore la mal-bouffe n'en sont pas la cause. Ils sont simplement des facteurs aggravants pour tout le monde contrairement à ce qu'on entend partout. Il m'expose le fait suivant : "Le corps humain fabrique des cellules cancéreuses, mais comme il est bien fait des agents les éliminent. Seulement parfois certaines cellules passent à travers les mailles du filet. Ce sont des erreurs, votre cancer est une erreur dans l'évolution Darwinienne."
Je ne cherche pas d'explications à mon cancer, je m'en fous ; on ne peut de toute façon revenir en arrière, et faire les choses autrement. Je veux juste que lui disparaisse et moi pas.

   Je vais mettre quelques jours à réaliser et à prendre conscience de ce qu'implique cette nouvelle information, mais je sens à travers le regard de mon père et celui de Mathieu que c'est vraiment une bonne nouvelle. Et j'en avais besoin, tout comme eux, pour garder de l'espoir. 
Évidemment, à la fin du rendez-vous, la discussion revient encore une fois sur cette quatrième cure de FEC qui me contrarie...Le docteur insiste vraiment sur le fait que mon cancer est atypique et agressif, et qu'il faut l'être en retour. On verra bien, j'ai encore besoin de temps pour avaler la pilule, et je veux en parler avec mon chirurgien et mon oncologue. Je veux que la décision soit unanime pour que mes doutes volent en éclats.

Noir Désir - Des armes

vendredi 17 février 2017

Suis-je une mutante ?

@OSTILL - Getty Images - Istock
 
12 Février 2016

   Dans mon malheur, j'ai la chance d'avoir un petit frère interne en médecine et qui plus est en chirurgie gynéco. Après quelques coups de fil, il m'a obtenu un rendez-vous avec un grand professeur en oncologie, spécialisé dans les cancers atypiques à l'ICM (l'Institut du Cancer de Montpellier).
Au départ je ne suis pas très emballée à l'idée d'aller voir encore un énième médecin – mais bon mon frangin s'est quand même décarcassé pour moi –et c'est l'occasion d'avoir un second avis sur le protocole mis en place. J'y vais avec Mathieu et mon dossier médical sous le bras, qui commence à s'épaissir !

   Arrivés à l'ICM, pas du tout la même ambiance que dans ma petite clinique, c'est l'usine ici. Évidemment on s'est garé à l'opposé du bâtiment dans lequel il faut se rendre... On traverse donc tout l'hôpital, au pas de course, on monte, on descend, on traverse une passerelle... un vrai dédale ! Il faut prendre un ticket à l'entrée comme à la sécu, passer par un premier comptoir pour s'enregistrer, et je repars avec un nouveau dossier d'hospitalisation, - je commence à en voir une collection ! St Roch, le millénaire, Clémentville et maintenant l'ICM ! -Puis je suis dirigée vers un second bureau pour numériser les IRM, scanner, scinti, etc... Enfin direction la salle d'attente numéro...- zut ! je ne sais plus quelle salle d'attente on m'a indiqué au premier comptoir - . Plusieurs salles d'attente, tout plein de gens, des écrans qui indiquent la salle de consultation dans laquelle vous devrez vous rendre... Je suis paumée.
On m'appelle enfin, on suit une femme en blouse blanche, toujours au pas de courses à travers des petits couloirs, - je me demande si on va retrouver la sortie ! - On nous installe dans une salle de consultation, une femme arrive, ce n'est pas encore le professeur mais surement son assistante. On fait le point, elle regarde mon dossier, colle les imageries sur le tableau lumineux et sort ma paperasse !

   Le professeur arrive enfin. Je reprends mon histoire depuis le début, lui raconte comment on a découvert la tumeur, les opérations, les examens, les résultats, etc... Elle m'ausculte, regarde mes bilans et les imageries.
Elle me dit que j'ai de la chance d'avoir un petit frère si prévenant, et qu'il a très bien fait de se démener pour m'avoir ce rendez-vous !
Elle veut revoir le protocole des traitements mis en place car pour elle, il n'est pas adapté à mon type de cancer. Il ne sera pas assez efficace.
Je devrais faire plusde chimio car ce type de tumeur est tenace : plutôt que trois cures de Fec et trois cures de Taxotère, elle suggère fortement quatre cures de Fec et quatre cures de Taxol (un autre poison).
Je ne pourrais pas vous expliquer la différence entre ces deux produits, même si elle a essayé de le faire, c'est un foutu charabia pour moi ! 
- Ouch ! Pas facile à entendre je n'ai aucune envie de m'empoisonner plus ! - Je suis contrariée, ce n'est plus cinq mois de chimio mais sept mois ! J'ai la nausée...
  
X-Men - @MDCU-Comics.fr

   J'apprends également que mon cancer est peut-être génétique, qu'il peut être dû à l'absence de marqueur BRCA 1 ou BRCA 2. Pour faire simple, une anomalie génétique, héréditaire, qui répare l'ADN en commettant des erreurs et donc crée des tumeurs au niveau des seins et de l'utérus chez les femmes et du sein – oui ! Oui ! c'est possible -et de la prostate chez l'homme.
Et du coup, le risque de récidives est plus élevé... - En gros, je pourrais être une mutante genre x-men mais avec des pouvoirs super-nuls ! - Deuxième "bonne" nouvelle... Elle me propose alors de faire un test et en fonction des résultats, de participer à une étude qui teste un nouveau médicament qui pourrait corriger cette anomalie. Faire ce test par le biais de l'étude me permettra d'avoir les résultats bien plus rapidement que de passer par les voies habituelles, en prenant rendez-vous avec un onco-généticien. Trois semaines au lieu de six à huit mois...
Ils regarderont également si j'ai un lien de parenté avec Angelina Jolie car elle souffre de cette anomalie génétique. - Chouette alors je suis peut-être la cousine éloignée de Lara Croft ! -
Rire jaune... Pour limiter les risques de récidives elle a opté pour l'ablation des seins et des ovaires...

   Elle me conseille également de rencontrer une spécialiste de la fertilité car traitements contre le cancer égal difficulté à avoir des enfants.
J'ai commencé depuis le début de la chimiothérapie des injections d'hormones – faites par ma petite infirmière particulière, entre deux potins et une tasse de thé -. Elles sont censées mettre mes ovaires en stand-by (ménopause artificielle) pour les préserver des effets néfastes des produits. Mais la professeur n'est pas convaincue de leur efficacité...

   Bon, je sors de là avec le moral bien au fond de mes chaussettes... Je me sens frustrée car moi je VEUX des enfants, je NE veux pas passer ma vie à faire de la chimiothérapie, et je NE veux pas me faire couper les seins ou enlever les ovaires... Je n'ai pas signé pour ça ! Quand le cancer veut vous prendre ce que vous pensiez acquis, vous réalisez enfin à quel point tout ça est précieux, que ce soit votre corps, vos ovocytes, ou fonder une famille...

   Après quelques jours de réflexions, et un coup de fil à mon frère, j'accepte de participer à l'étude et je fais le test sanguin. Résultat dans trois semaines. Je parle à mon oncologue de cette histoire de quatre cures au lieu de trois. Il me dit qu'il n'est pas forcément pour car si je ne supporte pas bien la chimio, quatre cures seront bien trop pour mon corps. Il me dit qu'on décidera après la troisième cure. 
Je n'ai pas du tout envie de faire cette quatrième cure de Fec car maintenant rien que de penser au mot chimio j'ai la nausée... L'idée d'infliger une dose de poison de plus à mon corps me rend déjà malade et pourtant le fait que la professeur de l'ICM insiste autant me travaille. Je ne veux pas mourir mais je ne veux pas souffrir... Mon frère est de son avis, mon père aussi, Mathieu également. Et moi, je suis en colère, le calcul est facile : plus de chimio égal plus d'efficacité, mais à quel prix ?! Ils ne sont pas à ma p***** de place, c'est dans MES veines qu'on injecte ce poison et c'est MOI qui dois encaisser tous les effets secondaires !
Je me sens seule. J'aurais voulu que mes médecins se mettent d'accord car c'est moi la patiente qui, encore une fois, subit l'angoisse du doute. Je ne sais pas quelle est la bonne réponse mais je sais que ça sera à moi de décider.
 
 
Wonder Woman Générique Rétro

jeudi 9 février 2017

Round (chimio) numéro 2

 


La guerre des tétons - Lili Sohn
9 Février 2016

   Je coche mon planning de la semaine. Lundi : prise de sang ; mardi : chimio ; reste de la semaine : KO. J'ai choppé une espèce de crève. En plus de s'attaquer à mon cancer, la chimio détruit aussi mes défenses immunitaires. Donc ma crève et moi on se rend à la cure de chimio numéro 2 en véhicule avec chauffeur ! Et oui, déjà compliqué de continuer de s'y rendre en tram et de devoir compter sur les copains pour venir me chercher donc en bonne cancéreuse raisonnable, je me rends à la clinique en VSL (Véhicule Sanitaire Léger, ambulance quoi).

   C'est reparti pour des heures d'attente, branchée à des tuyaux, assise dans mon beau fauteuil rose. J'ai pensé à me préparer mon petit sandwich cette fois, pas question de retenter l'expérience du plateau repas de l'hôpital. Mais les nausées me guettent déjà, je n'ai pas trop d'appétit. Rien n'est très différent de la dernière fois... - sauf que j'ai adhéré au look prédominant : crâne chauve, foulard noué ! -.Je recroise les mêmes têtes, la tv est allumée sur les émissions soporifiques du matin, l'hôpital est rythmé par les va et vient des patients et des infirmières, on attend tous notre tour pour se faire "brancher". Je me sens fatiguée et la fièvre n'aide pas, je n'ai pas la force de lire, alors j'observe, j'écoute, j'imagine la vie de tous ces gens et j'attends que le temps passe. En y regardant de très près, je lis la souffrance dans leurs yeux mais aussi la compassion quand nos regards se croisent, je suis la petite nouvelle et la petite jeune de notre groupe de bras cassés. Le temps se fait long, je pense que je vais finir par maitriser l'art de la patience mais j'ai hâte de rentrer à la maison, et retrouver mon cocon douillet.
 

Idée de costume pour la prochaine soirée déguisée

   Pas de syndrome inflammatoire cette fois-ci mais ma crève mute en vilaine grippe et associée aux effets secondaires, j'agonise.
Les fameuses nausées que je n'avais pas trop ressenties la première fois pointent le bout de leurs nez, j'ai l'estomac qui se tord dans tous les sens, les anti-vomitifs font effet et c'est presque pire. J'ai le nez et les poumons pris, j'ai l'impression de ne plus pouvoir respirer... J'ai la boule à zéro, le moral à zéro, je n'arrête pas de pleurer. J'en suis qu'au début du traitement et je n'en peux déjà plus. Mais comment je vais tenir le coup pendant des mois ?

   Mathieu prend soin de moi, il me prépare à manger – mais je n'arrive à rien avaler - ; avec mon coloc, ils essayent de trouver des solutions pour me soulager –je finis la tête sous une serviette à inhaler des huiles essentielles -mais moi, je souffre et je l'envoie balader. J'ai les nerfs à vif, j'ai envie d'hurler ma colère ...
Quand les angoisses et la douleur s'estompent, je m'en veux de ne pas être facile avec lui. Il fait ce qu'il peut pour m'aider et lui aussi, il subit, il n'a pas choisi de tomber amoureux d'une cancéreuse.
Mais il est toujours là, il ne m'abandonne pas et moi je m'accroche tellement fort à lui que j'y laisse des coups de griffes.

   Mon papa aussi est là, je lui parle au téléphone presque tous les jours, - quand j'ai encore la force de répondre et l'envie de discuter -, et il revient me voir à nouveau cette fin de semaine pour « s'occuper » de sa fille. Je me sens comme quand on est malade enfant et qu'on a besoin de sentir la main de nos parents sur notre front et de poser notre tête sur leurs genoux... Il va pouvoir prendre le relais, que Mathieu puisse souffler un peu.
Dans ces moments difficiles, ça fait du bien de pouvoir s'appuyer un peu sur les autres pour gérer le quotidien, surtout quand passer l'aspirateur devient un sport de combat.
Ma minette aussi veille sur moi, elle vient se coucher sur moi, sur ma poitrine la patte sur le port à cath. Elle sait que je suis malade, elle le sent, elle est toujours dans mes pas, elle me surveille comme une infirmière à domicile !

   Et puis il y a tous ceux qui me téléphonent, m'envoient des messages pour savoir comment je tiens le coup. Je me rends compte que les autres me voient comme une battante, tout le monde à l'air d'être persuadé – bien plus que moi -que je vais me sortir de ça, que je suis forte, que je vais vaincre.
Mais je ne suis pas plus forte qu'un autre et j'ai le droit d'être faible, de baisser les bras, de pouvoir compter sur les autres. Parfois j'aimerais qu'ils puissent aller combattre à ma place.
Être entouré dans la maladie c'est important pour se donner du courage mais face à son cancer on reste seul.

   Ce deuxième round a eu raison de mon moral mais je m'accroche, quelques jours pour me remettre, une ballade sur les bords du Lez vert, une sieste dans les herbes hautes et le soleil qui me réchauffe à travers le jean, des médocs et de l'amour pour panser mon corps et mon esprit et je serai de nouveau sur pied pour attaquer le prochain tour...

   Je sens que j'ai besoin de renouveler mes armes pour être assez forte. J'ai rencontré une infirmière il y a quelques jours par l'intermédiaire du MIS (Montpellier Institut du Sein). Elle écrit sa thèse sur les bienfaits de la relaxation chez les malades du cancer durant leurs traitements. Elle me propose des séances hebdomadaires de sophrologie, qu'elle pourra utiliser comme références pour son sujet. Je n'ai jamais été très douée pour me relaxer mais je crois que ça vaut le coup de tenter. Ça me permettra peut-être de mieux appréhender les prochaines chimios. La première séance n'est pas évidente, me focaliser sur ma respiration, me concentrer alors que des pensées viennent me parasiter, - ne pas oublier mon rdv de demain, envoyer les papiers à la sécu, ajouter des pruneaux sur ma liste de courses... -ce n'est vraiment pas facile. Mais je m'accroche à sa voix et avec un peu de volonté, je finirai par arriver à m'évader un peu. 

   Le MIS m'oriente également vers le programme Movimento qui propose des séances de cardio, deux fois par semaine, accompagnées par un kiné, pour les femmes atteintes du cancer du sein. Je signe tout de suite. Plus de piscine ni de cours de Lindy hop possible pour moi depuis l'opération alors ça tombe à pic. Je sais que je vais en baver - avec mon corps de poupée de chiffon - mais je vais en avoir grand besoin. D'abord pour solliciter mon petit cœur, qu'il ne me lâche pas en route, puis pour éliminer plus rapidement les produits de chimio et enfin pour me vider la tête ! Je songe aussi à contacter la psychologue que j'avais rencontrée à l'hôpital. Je ne suis pas super emballée à l'idée de faire une thérapie mais mon entourage insiste un peu. 
Bon, me voilà un peu mieux armée pour le prochain combat qui arrive à grands pas. Et en attendant, je profite de mes quelques jours de répit bien entourée.

 

Prairie du Lez vert

jeudi 2 février 2017

Je vais perdre mes cheveux

 
Première coupe


23 Janvier 2016

   Aujourd'hui,- chose que je n'aurais jamais imaginé faire dans ma vie -, j'ai rendez-vous chez un « perruquier ». On ne va plus simplement chez le coiffeur quand on est malade, mais chez un prothésiste capillaire. Je vais perdre mes cheveux. 
Quand on vous annonce le cancer, les traitements et sa liste, - non exhaustive - d'effets secondaires, la perte des cheveux est de très loin le plus traumatisant. 
L'alopécie, un joli mot pour un effet secondaire cauchemardesque !

   Le chirurgien m'en a parlé dès l'annonce du diagnostic pour me laisser le temps de m'y faire, je suppose. 
Il existe un casque réfrigérant, congelé entre -25 et -30°C qui permet d'obtenir une vasoconstriction durant l'injection des produits de chimiothérapie. C'est à dire qu'il limite l'afflux sanguin et empêche en partie au produit alopéciant (le poison de chimiothérapie) d'atteindre la racine du cheveu. Pour que cela puisse être efficace, il faut que les cheveux soient très courts. Mais vue l'agressivité de la chimiothérapie que je vais recevoir, il y a trop peu de chance que cela fonctionne. Donc je vais m'éviter une phase de torture supplémentaire et tenter d'accepter de ne plus avoir un poil sur le caillou !

   Ça fait deux ans que je laisse pousser ma tignasse, après un carré plongeant j'avais de nouveau envie d'avoir de la longueur, il m'avait fallu tellement de patience... Et - en coquette fille que je suis -je sortais également d'une cure de Forcapil pour avoir de beaux cheveux forts et brillants... Tout ça pour rien, pour que mes cheveux finissent balayés sur le sol... Je suis dégoutée ! 

   A chaque rencontre avec mon chirurgien, il insiste pour que j'aille raccourcir ma coupe, que le choc soit moins violent. Je finis par m'exécuter et il y a quelques jours, je prends rendez-vous chez le prothésiste capillaire qui m'a été conseillé à l'hôpital :Essentiel Santé.
Je passe la porte d'un ancien hôtel particulier de la Grand rue Jean Moulin, je passe une jolie petite cour, j'emprunte un escalier monumental qui me conduit à un petit salon cosy. Rien à voir avec un salon de coiffure habituel. Un seul lavabo à shampoing, un seul fauteuil pivotant face au miroir, de jolis turbans exposés, c'est séance beauté particulière, en tout intimité !
Je confie donc ma chevelure à Guillaume, un jeune garçon très pro, bienveillant, plein de compréhension et qui me met très à l'aise. On sent tout de suite qu'il a l'habitude de s'occuper des femmes qui traversent l'épreuve du cancer. Plutôt que de me passer la tête immédiatement sous le fil de son rasoir, il me propose une première coupe, un carré pour que l'acceptation soit plus progressive. Allons-y. 
Seconde étape, il faut maintenant choisir une perruque. 

   Je ne veux pas perdre mes cheveux. Je ne veux pas porter de perruque ou de turbans, ou bien même assumer ma tête chauve !
Mais je n'ai pas le choix - Alopécie, je te déteste ! - Ce jour-là, mon père et Mat m'accompagnent pour m'aider à « choisir » . 
J'ai juste envie de pleurer mais Guillaume me rassure et arrive à rendre le moment presque ludique et coquet. On teste le blond, heu... ce n'est pas vraiment ma couleur, fou rire... On teste le court, la coupe Christina ce n'est pas ma tasse de thé non plus... On teste le très long et cheveux naturels, là ce n'est pas dans mon budget... Je finis par opter pour un carré brun en cheveux synthétiques mais de belle qualité. Loin du postiche afro des soirées déguisées, les perruques thérapeutiques sont de très bonnes fabrications, un bonnet tissé main, des cheveux synthétiques aussi doux que des vrais... Et par conséquent elles coûtent très cher !
Seulement ici, on n'est pas simplement chez le marchand de substituts capillaires ! On nous offre tout un service en plus de l'achat du produit : les coupes et soins avant la chute et à la repousse des cheveux sont offerts et on a même le droit à trois soins du corps avec une socio-esthéticienne. Une vraie bulle de bien-être pour femmes malmenées par la maladie et les traitements. Il m'apprend aussi à porter et nouer les foulards car je ne pourrai pas tout le temps supporter la perruque et je vous jure que c'est tout un art !
Il m'annonce également que mes cheveux tomberont à peu près 17 jours après la première chimio. 
Parole d'oracle, exactement 17 jours après la première chimio ils ont commencé à tomber...

   Pour anticiper et ne pas me retrouver des mèches de cheveux plein les mains, ou sur mon oreiller, version film d'horreur, je suis retournée le voir quelques jours avant la date fatidique avec la ferme intention de me tondre la tête et des larmes plein les yeux. 
Puis face à mon malaise, on a finalement trouvé un entre deux, on a coupé très court. 
J'ai tout de suite mis la perruque car je n'accepte pas vraiment non plus la coupe à la garçonne, je ne l'ai pas choisi, comme tout le reste, je la subis ! 
Et le problème n'est même pas seulement le regard des autres, c'est aussi mon propre regard face au miroir. 



deuxième coupe

  Même coupés très courts quand les cheveux tombent c'est l'angoisse, je m'en rends compte sous la douche, je me fais un shampoing, je passe mes mains sur mon crâne et c'est des poignées de mèches brunes qui disparaissent dans le siphon... un pas de plus vers ma gueule de malade ! 

Je décide donc de retourner voir Guillaume, j'ai besoin d'un faiseur de miracles, de quelqu'un de confiance devant qui je peux me mettre à nu, crâne nu. Dernière étape de ma mutation en cancéreuse, il me rase la tête dos à la glace.

   Je ne vais pas me regarder dans le miroir avant le lendemain matin car je sais qu'un flot de larmes ininterrompu m'attend... Ce soir je préfère m'endormir une dernière fois, sans cette nouvelle image de moi. Je porte désormais un bonnet pour dormir, personne ni même Mathieu ne verra vraiment ce à quoi je ressemble maintenant. 
Donc voilà, seule face à mon reflet, je suis officiellement chauve et ce n'est pas beau à voir ! Certaines femmes portent très bien la tête rasée mais c'est loin d'être mon cas. 
Plus l'air blafard, les cernes et le visage qui se creusent... J'ai l'impression de me transformer en zombie.

   Le cancer du sein ne me fait pas seulement perdre ma tignasse mais c'est toute ma féminité que je vois disparaitre. Je continue de me pomponner, me maquiller, mettre de jolis habits, essayer de coiffer et m'approprier comme je peux ces cheveux qui ne sont pas les miens mais je n'arrive plus à me trouver jolie, je ne suis plus qu'un corps malade.
Heureusement, mon amoureux continue de me regarder, de me dire qu'il m'aime, qu'il me trouve belle, et à me désirer, ça m'aide à me sentir encore un peu en vie. 

   En toute sincérité, même si la perte des cheveux est très traumatisante, il y a au moins un avantage à l'alopécie c'est qu'elle concerne tous les poils donc bye bye le pot de cire, le rasoir et la pince à épiler et bonjour la peau douce ! Bon ce n'est qu'un détail insignifiant mais on s'accroche à ce qu'on a d'un minimum positif !



Dernière coupe

  À ce moment de la maladie, il faut d'une part accepter la transformation physique en mutante cancéreuse et d'autre part un corps désormais faible.

La chimio me couche environ une semaine après l'injection mais même les jours suivants, je n'arrive plus à être aussi active, je suis épuisée, une ballade en ville se rapproche de plus en plus du marathon et porter des courses de la voiture à l'appartement, à de l'haltérophilie…
Au départ, je ne m'en rends pas compte, je continue à vadrouiller, je reprends mes bonnes vieilles habitudes et puis c'est le malaise… - heureusement dans une pharmacie, j'ai bien choisi l'endroit ! -.Mon corps me fait comprendre que ce n'est plus possible, il ne me suit plus. J'apprends alors à partitionner mes journées : une sortie, un ou voir deux rendez-vous par jour et surtout du repos... J'ai peur que mon canapé finisse par prendre la forme de mon corps, et je vais devenir incollable sur les sorties ciné et séries du moment ! Mais ça va être aussi l'occasion pour moi de faire tout ce que je n'avais plus le temps de faire avec mon boulot trop prenant : dévorer des livres, bricoler dans l'appart, peindre, tricoter, coudre... Bref s'occuper les mains et l'esprit.



   Si vous êtes sur Montpellier et que vous traversez cette épreuve, je vous recommande vivement de passer la porte d'Essentiel Santé !


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